Copyright contre communautÊ à l'âge des rÊseaux informatiques
par Richard StallmanDiscours d'ouverture de la LIANZA Conference, Centre des
congrès de Christchurch, le 12 octobre 2009.
Il existe une ancienne version
de cette confĂŠrence, donnĂŠe en 2000.
BCâŻ: Tena koutou, tena koutou, tena koutou katoa. Aujourd'hui, j'ai le privilège de prĂŠsenter Richard Stallman, dont le discours d'ouverture est parrainĂŠ par l'Ăcole de gestion de l'information de l'universitĂŠ Victoria Ă Wellington.
Richard travaille Ă la promotion de la libertĂŠ du logiciel depuis plus de 25 ans. En 1983, il a lancĂŠ le projet GNU dans le but de dĂŠvelopper un système d'exploitation libre (le système GNU), et en 1985 il a crĂŠĂŠ la Free Software Foundation (Fondation pour le logiciel libre). Chaque fois que vous envoyez un message sur nz-libsâŻa, vous utilisez le logiciel Mailman, qui fait partie du projet GNU. Donc, que vous vous en rendiez compte ou non, Richard affecte vos vies Ă tous.
Je me plais Ă le dĂŠcrire comme la personne la plus influente dont la plupart des gens n'ont jamais entendu parler, bien qu'il me dise que cela ne peut pas ĂŞtre vrai car cela ne peut pas ĂŞtre testĂŠ.
RMSâŻ: On ne peut pas savoir.
BCâŻ: Je l'ai dit â je le maintiens. Tim Berners-Lee a utilisĂŠ ses idĂŠes sur la libertĂŠ du logiciel et sur le libre accès Ă l'information quand il a crĂŠĂŠ le premier serveur web au monde, et Jimmy Wales s'est inspirĂŠ de ses rĂŠflexions de 1999 sur une encyclopĂŠdie libre en ligne pour fonder ce qui est maintenant WikipĂŠdia.
Aujourd'hui Richard va nous faire un exposĂŠ sur le sujet ÂŤâŻcopyright contre communautĂŠ Ă l'âge des rĂŠseaux informatiques et leurs implications pour les bibliothèquesâŻÂť. Richard.
RMSâŻ: Je suis en Nouvelle-ZĂŠlande depuis quinze jours, et dans l'Ăle du Nord il a plu presque tout le temps. Maintenant je sais pourquoi on appelle les bottes en caoutchouc wellingtons. Et puis j'ai vu quelqu'un qui fabriquait des chaises et des tables en bois de ponga, et il appelait ça fern-iture.b Ensuite nous avons pris le ferry pour venir ici, et dès notre dĂŠbarquement les gens ont commencĂŠ Ă se moquer de nous et Ă nous insulterâŻ; mais ce n'ĂŠtait pas mĂŠchant, ils voulaient seulement nous faire comprendre Picton de l'intĂŠrieur.c
Habituellement, la raison pour laquelle on m'invite Ă donner des confĂŠrences est mon travail sur le logiciel libre. Cette fois-ci, ce n'est pas de cela que je vais parlerâŻ; cet exposĂŠ rĂŠpond Ă la questionâŻ: est-ce que les idĂŠes du logiciel libre peuvent s'appliquer Ă d'autres sortes d'ĹuvresâŻ? Mais pour que cela ait un sens, je ferais mieux de vous dire brièvement ce que veut dire logiciel libre.
Le logiciel libre [free software] est affaire de libertĂŠ, pas de prix. Pensez Ă ÂŤâŻparole libreâŻÂť, pas Ă ÂŤâŻentrĂŠe libreâŻÂť.d Le logiciel libre est un logiciel qui respecte la libertĂŠ de l'utilisateur. Ce dernier mĂŠrite de possĂŠder en permanence quatre libertĂŠs spĂŠcifiques, que voici.
- La libertĂŠÂ 0 est le droit d'exĂŠcuter le programme comme vous voulez.
- La libertĂŠÂ 1 est le droit d'ĂŠtudier le code source du programme et de le modifier pour lui faire faire ce que vous voulez.
- La libertĂŠÂ 2 est la libertĂŠ d'aider votre voisinâŻ; c'est-Ă -dire la libertĂŠ de redistribuer des copies du programme, des copies exactes, quand vous le voulez.
- Et la libertĂŠÂ 3 est la libertĂŠ d'apporter votre contribution Ă la communautĂŠ. C'est-Ă -dire la libertĂŠ de publier vos versions modifiĂŠes quand vous le voulez.
Si le programme vous donne ces quatre libertĂŠs, alors c'est un logiciel libre. Cela veut dire que le système social dans lequel il est distribuĂŠ et utilisĂŠ est un système ĂŠthique, un système qui respecte la libertĂŠ de l'utilisateur et la solidaritĂŠ sociale de la communautĂŠ de l'utilisateur. Mais s'il manque l'une de ces libertĂŠs ou qu'elle est incomplète, alors c'est un logiciel privateur,e un logiciel non libre, un logiciel qui met l'utilisateur sous contrĂ´le. Ce n'est pas ĂŠthique. Ce n'est pas une contribution Ă la sociĂŠtĂŠ, c'est une prise de pouvoir. Cette pratique contraire Ă l'ĂŠthique ne devrait pas existerâŻ; l'objectif du mouvement du logiciel libre est d'y mettre fin. Tout logiciel doit ĂŞtre libre, pour que tous les utilisateurs soient libres.
Le logiciel privateur garde les utilisateurs dans un ĂŠtat de division et d'impuissanceâŻ: division, parce qu'il leur est interdit de le partager, et impuissance parce qu'ils ne possèdent pas le code source et ne peuvent donc pas le modifier. Ils ne peuvent mĂŞme pas l'ĂŠtudier pour vĂŠrifier ce qu'il leur fait exactementâŻ; et de nombreux logiciels privateurs ont des fonctionnalitĂŠs malveillantes qui espionnent l'utilisateur, qui lui imposent des restrictionsâŻ; ils ont mĂŞme des portes dĂŠrobĂŠes [backdoors] pour l'attaquer.
Par exemple Microsoft Windows a une porte dÊrobÊe par laquelle Microsoft peut installer de force des logiciels modifiÊs, sans demander la permission du supposÊ propriÊtaire de l'ordinateur. Vous pensez peut-être que c'est votre ordinateur, mais si vous avez fait l'erreur d'y faire tourner Windows, alors c'est en fait Microsoft qui possède votre ordinateur. Les ordinateurs ont besoin d'être dÊfenestrÊs, ce qui veut dire, ou bien jetez Windows hors de l'ordinateur, ou bien jetez l'ordinateur par la fenêtre.f
D'une manière gÊnÊrale, tout logiciel privateur donne aux dÊveloppeurs un pouvoir injuste sur les utilisateurs. Certains dÊveloppeurs en abusent plus que d'autres, mais aucun ne devrait le possÊder. Vous mÊritez d'avoir le contrôle de votre informatique et qu'on ne vous force pas à dÊpendre d'une sociÊtÊ particulière. Donc vous mÊritez du logiciel libre.
A la fin de mes discours sur le logiciel libre, les gens me demandent quelquefois si ces mĂŞmes libertĂŠs s'appliquent Ă d'autres choses. Si vous avez une copie d'une Ĺuvre publiĂŠe sur votre ordinateur, on peut se demander raisonnablement si vous devriez avoir les mĂŞmes libertĂŠs â si, d'un point de vue ĂŠthique, elles sont essentielles pour vous, ou non. Et c'est la question que je vais traiter aujourd'hui.
Si vous avez une copie de quelque chose qui n'est pas du logiciel, la seule chose, ou presque, qui pourrait vous priver d'une de ces libertĂŠs est la loi sur le copyright. Avec le logiciel, ce n'est pas pareil. Les principaux moyens de rendre le logiciel non libre sont les contrats et le fait de cacher le code source aux utilisateurs. Le copyright est une sorte de mĂŠthode secondaire, de mĂŠthode d'appoint. Pour les autres choses, il n'y a pas cette distinction entre le code source et le code exĂŠcutable.
Prenons par exemple un texte. Si le texte est suffisamment visible pour qu'on puisse le lire, il n'y a rien dedans que vous ne puissiez pas voir. Ainsi la situation n'est pas exactement de même nature qu'avec le logiciel. Le copyright est à peu près la seule chose qui pourrait vous refuser ces libertÊs.
On peut reformuler la question ainsiâŻ: ÂŤâŻQu'est-ce que le droit du copyright devrait vous permettre de faire avec les Ĺuvres publiĂŠesâŻ? Que devrait dire la loi sur le copyrightâŻ?âŻÂť
Le copyright s'est dĂŠveloppĂŠ en mĂŞme temps que la technologie de la copie, aussi convient-il de revisiter l'histoire de cette technologie. La copie s'est dĂŠveloppĂŠe dans le monde antique, quand on utilisait un instrument pour ĂŠcrire sur une surface. On lisait un exemplaire et on en ĂŠcrivait un autre.
Cette technique Êtait assez peu efficace, mais une autre de ses caractÊristiques notables Êtait son absence d'Êconomie d'Êchelle. Pour Êcrire dix exemplaires, il fallait dix fois plus de temps que pour en Êcrire un. Cela ne demandait pas d'autre Êquipement que celui de l'Êcrivain et pas d'autre compÊtence que de savoir lire et Êcrire. Le rÊsultat, c'est que les copies d'un livre particulier Êtaient faites de manière dÊcentralisÊe. Quand un exemplaire Êtait disponible et que quelqu'un voulait le copier, il pouvait le faire.
Dans le monde antique, il n'y avait rien de tel que le copyright. Si vous possĂŠdiez un exemplaire et que vous vouliez le copier, personne n'allait vous dire que vous n'aviez pas le droit â sauf si le prince local n'aimait pas ce que disait le livre, auquel cas il pouvait vous punir pour l'avoir copiĂŠ. Mais ce n'ĂŠtait pas du copyright, plutĂ´t une chose qui lui est ĂŠtroitement liĂŠe, Ă savoir la censure. Jusqu'Ă nos jours, le copyright a souvent ĂŠtĂŠ utilisĂŠ pour essayer de censurer les gens.
Cela a continuĂŠ pendant des milliers d'annĂŠes, mais alors une grande innovation est apparue dans la technologie de la copie, Ă savoir la presse Ă imprimer. La presse Ă imprimer a rendu la copie plus efficace, mais pas de manière uniforme. [Ceci] parce que la production en sĂŠrie devint beaucoup plus efficace, mais que la fabrication d'un exemplaire Ă la fois ne tira pas bĂŠnĂŠfice de la presse Ă imprimer. De fait, il valait mieux l'ĂŠcrire Ă la mainâŻ; c'ĂŠtait plus rapide que d'essayer d'imprimer un seul exemplaire.
La presse Ă imprimer entraĂŽne une ĂŠconomie d'ĂŠchelleâŻ: c'est un gros travail que de composer le plomb, mais ensuite on peut faire beaucoup de copies très rapidement. De plus, la presse Ă imprimer et les caractères ĂŠtaient un ĂŠquipement très cher que la plupart des gens ne possĂŠdaient pasâŻ; et pour ce qui est de s'en servir, la plupart des lettrĂŠs ne savaient pas faire. Se servir d'une presse ĂŠtait une technique diffĂŠrente de l'ĂŠcriture. Le rĂŠsultat, c'est que les copies ĂŠtaient produites de manière centralisĂŠeâŻ: les exemplaires d'un livre donnĂŠ ĂŠtaient fabriquĂŠs en un petit nombre d'endroits, et ensuite ils ĂŠtaient transportĂŠs lĂ oĂš quelqu'un voulait les acheter.
Le copyright a dĂŠbutĂŠ Ă l'âge de la presse Ă imprimer. En Angleterre, il a dĂŠbutĂŠ au 16e siècle en tant que système de censure. Je crois que c'ĂŠtait Ă l'origine pour censurer les protestants, mais il a ĂŠtĂŠ transformĂŠ pour censurer les catholiques, et aussi sans doute beaucoup d'autres. D'après cette loi, on devait obtenir la permission de la Couronne pour publier un livre, et cette permission ĂŠtait octroyĂŠe sous forme d'un monopole perpĂŠtuel sur la publication de ce livre. Cette loi est tombĂŠe en dĂŠsuĂŠtude, dans les annĂŠes 1680 il me semble [d'après WikipĂŠdia, elle a expirĂŠ en 1695]. Les ĂŠditeurs voulaient sa remise en vigueur, mais ce qu'ils ont obtenu ĂŠtait quelque peu diffĂŠrent. La loi de la Reine Anne (ou ÂŤâŻStatut d'AnneâŻÂť) donna un copyright aux auteurs, et ceci pour 14 ans seulement bien que l'auteur ait pu le renouveler une fois.
C'ĂŠtait une idĂŠe complètement diffĂŠrente â un monopole temporaire pour l'auteur, plutĂ´t qu'un monopole perpĂŠtuel pour l'ĂŠditeur. On a commencĂŠ Ă voir le copyright comme un moyen de promouvoir l'ĂŠcriture.
Quand la constitution des Ătats-Unis a ĂŠtĂŠ ĂŠcrite, certaines personnes voulaient que les auteurs aient droit Ă un copyright, mais l'idĂŠe a ĂŠtĂŠ rejetĂŠ. Ă la place, la constitution dit que le Congrès a la facultĂŠ d'adopter une loi sur le copyright et que, s'il y a une loi sur le copyright, son but est de promouvoir le progrès. Dit autrement, son but n'est pas de profiter aux titulaires du copyright ni Ă quiconque fait affaire avec eux, mais au grand public. Le copyright doit durer pendant un temps limitĂŠâŻ; les ĂŠditeurs ne cessent d'espĂŠrer que nous allons l'oublier.
A ce stade, nous nous reprÊsentons le copyright comme un moyen de rÊglementer l'industrie de l'Êdition, contrôlÊ par les auteurs et conçu pour profiter au grand public. Il remplissait sa fonction parce qu'il n'imposait pas de restrictions aux lecteurs.
Cela dit, aux premiers siècles de l'imprimerie et, je crois, encore dans les annĂŠes 1790, de nombreux lecteurs ĂŠcrivaient des copies Ă la main parce qu'ils ne pouvaient pas s'offrir de copies imprimĂŠes. Personne n'a jamais attendu de la loi sur le copyright qu'elle empĂŞche les gens de copier Ă la mainâŻ: elle ĂŠtait faite pour rĂŠglementer l'ĂŠdition. C'est pourquoi elle ĂŠtait facile Ă faire respecter, consensuelle et indubitablement bĂŠnĂŠfique pour la sociĂŠtĂŠ.
Elle ĂŠtait facile Ă faire respecter, parce qu'elle ne s'appliquait qu'aux ĂŠditeurs. Et c'est facile de trouver les ĂŠditeurs non autorisĂŠs d'un livre â on va dans une librairie et on demandeâŻ: ÂŤâŻD'oĂš proviennent ces exemplairesâŻ?âŻÂť On n'a pas besoin d'envahir la maison et l'ordinateur de chacun pour le faire.
Elle Êtait consensuelle parce que, les lecteurs ne subissant pas de restriction, ils n'avaient pas lieu de se plaindre. En thÊorie, ils n'avaient pas le droit de publier, mais comme ils n'Êtaient pas Êditeurs et ne possÊdaient pas de presse à imprimer, ils ne pouvaient pas le faire de toute façon. Pour ce qu'ils pouvaient faire effectivement, ils n'avaient pas de restriction.
Elle ĂŠtait indubitablement bĂŠnĂŠfique parce que, d'après les concepts prĂŠsidant au droit du copyright, le grand public renonçait Ă un droit thĂŠorique qu'il n'ĂŠtait pas en position d'exercer, mais en ĂŠchange bĂŠnĂŠficiait de plus d'Ĺuvres ĂŠcrites.
Quand on renonce à quelque chose qui ne peut servir à rien et qu'on reçoit en Êchange quelque chose qui est utile, le bilan est positif. Qu'on ait pu, ou non, faire une meilleure affaire d'une autre façon, c'est une autre question, mais au moins le bilan est positif.
Donc, si nous ĂŠtions encore Ă l'âge de la presse Ă imprimer, je ne pense pas que je serais en train de me plaindre de la loi sur le copyright. Mais l'âge de la presse Ă imprimer est en train de faire place progressivement Ă l'âge des rĂŠseaux informatiques â un nouveau progrès dans la technologie de la copie qui la rend plus efficace et, Ă nouveau, pas de manière uniforme.
VoilĂ ce qu'on avait Ă l'âge de la presse Ă imprimerâŻ: une production en sĂŠrie très efficace et une fabrication de copies Ă l'unitĂŠ toujours aussi lente que dans le monde antique. Voici oĂš la technologie numĂŠrique nous amèneâŻ: toutes les deux en tirent bĂŠnĂŠfice, mais la copie Ă l'unitĂŠ plus que l'autre.
Nous arrivons à une situation beaucoup plus proche de celle du monde antique, oÚ la copie à l'unitÊ n'est pas tellement pire [c'est-à -dire, pas plus difficile] que la production en sÊrie. C'est un petit peu moins efficace, un petit peu moins beau, mais c'est bien assez Êconomique pour que des centaines de millions de personnes fassent des copies. Regardez combien de gens gravent des CD une fois de temps en temps, même dans les pays pauvres. Peut-être qu'on ne possède pas soi-même de graveur de CD, mais on va dans un magasin oÚ l'on peut le faire.
Cela veut dire que le copyright n'est plus adaptĂŠ Ă la technologie comme il l'ĂŠtait auparavant. MĂŞme si le texte de la loi sur le copyright n'avait pas changĂŠ, il n'aurait plus le mĂŞme effet. Au lieu de rĂŠglementer l'industrie de l'ĂŠdition sous le contrĂ´le des auteurs, au bĂŠnĂŠfice du public, c'est maintenant une restriction pour le grand public, contrĂ´lĂŠe essentiellement par les ĂŠditeurs, au nom des auteurs.
En d'autres termes, c'est une tyrannie. C'est intolÊrable et nous ne pouvons pas permettre que cela continue comme ça.
Du fait de ce changement, [le copyright] n'est plus facile Ă faire respecter, il n'est plus consensuel et il n'est plus bĂŠnĂŠfique.
Il n'est plus facile Ă faire respecter parce que maintenant les ĂŠditeurs veulent le faire respecter par chaque personne sans exception, et cela nĂŠcessite des mesures cruelles, des punitions draconiennes, l'invasion de la vie privĂŠe, l'abolition de nos idĂŠes fondamentales de justice. Il n'y a presque aucune limite aux moyens qu'ils vont proposer de mettre en Ĺuvre pour mener la ÂŤâŻguerre contre le partageâŻÂť devant les tribunaux.
Il n'est plus consensuel. Dans plusieurs pays, il y a des partis politiques avec un programme basĂŠ sur la ÂŤâŻlibertĂŠ de partagerâŻÂť.
Il n'est plus bĂŠnĂŠfique parce que les libertĂŠs auxquelles nous avions thĂŠoriquement renoncĂŠ (parce que nous ne pouvions pas les exercer), nous pouvons maintenant les exercer. Elles sont formidablement utiles et nous voulons les exercer.
Que ferait un gouvernement dÊmocratique dans cette situation�
Il rĂŠduirait le pouvoir du copyright. Il diraitâŻ: ÂŤâŻLe marchĂŠ que nous avons conclu au nom de nos concitoyens, en bradant un peu de la libertĂŠ dont ils ont maintenant besoin, est intolĂŠrable. Nous devons changer çaâŻ; nous ne pouvons pas renoncer Ă une libertĂŠ qui est importante.âŻÂť Nous pouvons mesurer l'ĂŠtat de dĂŠliquescence dans lequel se trouve la dĂŠmocratie Ă la tendance qu'ont les gouvernements Ă faire exactement le contraire partout dans le mondeâŻ: ĂŠtendre le pouvoir du copyright au lieu de le rĂŠduire.
Par exemple au niveau de la durĂŠe. Partout dans le monde on constate une pression pour faire durer le copyright plus longtemps, de plus en plus longtemps.
La première vague a dĂŠmarrĂŠ en 1998 aux Ătats-Unis. Le copyright a ĂŠtĂŠ prolongĂŠ de vingt ans sur les Ĺuvres aussi bien passĂŠes que futures. Je ne comprends pas comment ils espèrent convaincre les auteurs des annĂŠes 20 et 30, maintenant dĂŠcĂŠdĂŠs ou sĂŠniles, d'ĂŠcrire plus Ă cette ĂŠpoque passĂŠe, en prolongeant maintenant le copyright sur leurs Ĺuvres. S'ils ont une machine Ă remonter le temps pour les informer, ils ne l'ont pas utilisĂŠe. Nos livres d'histoire ne disent pas que les arts ont bĂŠnĂŠficiĂŠ d'un renouveau de vigueur dans les annĂŠes 20, quand tous les artistes ont dĂŠcouvert que leurs copyrights seraient prolongĂŠs en 1998.
Il est thĂŠoriquement concevable que vingt ans de plus de copyright sur les Ĺuvres futures convaincraient des gens de faire plus d'efforts pour produire ces Ĺuvres. Aucune personne sensĂŠe, cependant. En effet, un bonus de vingt ans sur la durĂŠe actuelle du copyright, commençant 75 ans dans le futur â si c'est une Ĺuvre faite sur commande â et probablement plus si le copyright est dĂŠtenu par l'auteur, reprĂŠsente si peu qu'il ne pourrait pas persuader une personne sensĂŠe de faire quoi que ce soit diffĂŠremment. Toute entreprise qui veut prĂŠtendre le contraire devrait prĂŠsenter ses bilans prĂŠvisionnels des 75 ans Ă venir, ce qui est bien entendu impossible parce qu'aucune ne fait vraiment de prĂŠvisions Ă si longue ĂŠchĂŠance.
Quelle est la vraie raison de cette loiâŻ? Quel dĂŠsir a incitĂŠ diverses sociĂŠtĂŠs Ă acheter cette loi au Congrès des Ătats-Unis, manière dont la plupart des lois sont dĂŠcidĂŠesâŻ? C'ĂŠtait qu'elles avaient des monopoles lucratifs et qu'elles voulaient perpĂŠtuer ces monopoles.
Par exemple, Disney ĂŠtait conscient que le premier film dans lequel Mickey est apparu tomberait dans le domaine public dans quelques annĂŠes, et qu'alors n'importe qui serait libre de dessiner ce mĂŞme personnage dans d'autres Ĺuvres. Disney ne voulait pas que ça se produise. Disney emprunte beaucoup au domaine public, mais est dĂŠterminĂŠ Ă ne jamais donner quoi que ce soit en ĂŠchange. Donc Disney a payĂŠ pour cette loi, que nous appelons ÂŤâŻloi sur le copyright de MickeyâŻÂť [Mickey Mouse Copyright Act].
Les producteurs de films disent qu'ils veulent un copyright perpĂŠtuel, mais la constitution des Ătats-Unis ne les laissera pas l'obtenir officiellement. Aussi ont-ils trouvĂŠ un moyen d'obtenir le mĂŞme rĂŠsultat de manière non officielleâŻ: le ÂŤâŻcopyright perpĂŠtuel Ă versements pĂŠriodiquesâŻÂť. Tous les vingt ans, ils augmentent la durĂŠe du copyright de vingt ans. Ainsi, Ă un moment donnĂŠ toute Ĺuvre est censĂŠe tomber dans le domaine public Ă une date prĂŠcise, par exemple demain, mais cette date n'arrivera jamais. Au moment oĂš on l'atteindra, ils l'auront reculĂŠe, Ă moins que nous ne les arrĂŞtions la prochaine fois.
VoilĂ une des dimensions, la dimension de la durĂŠe. Mais plus importante encore est la dimension de l'ĂŠtendueâŻ: quels sont les usages couverts par le copyrightâŻ?
A l'âge de la presse Ă imprimer, le copyright n'ĂŠtait pas censĂŠ couvrir tous les usages d'une Ĺuvre sous copyright, parce qu'il rĂŠglementait certains usages qui ĂŠtaient des exceptions dans l'espace plus large des usages non rĂŠglementĂŠs. Il y avait certaines choses que vous aviez le droit de faire sans vous poser de question avec votre exemplaire d'un livre.
De nos jours, les ĂŠditeurs se sont mis en tĂŞte qu'ils peuvent retourner nos ordinateurs contre nous et, avec leur aide, s'emparer du pouvoir absolu sur tous les usages des Ĺuvres publiĂŠes. Ils veulent instaurer un univers de paiement Ă l'acte. Ils le font avec des dispositifs de ÂŤâŻgestion numĂŠrique des restrictionsâŻÂť, ou DRM, des fonctionnalitĂŠs logicielles conçues dĂŠlibĂŠrĂŠment pour restreindre ce que peut faire l'utilisateur. Et souvent l'ordinateur lui-mĂŞme est conçu pour lui imposer des restrictions.
C'est dans les DVD que le grand public les a rencontrĂŠs pour la première fois. Un film sur DVD ĂŠtait gĂŠnĂŠralement chiffrĂŠ et le format ĂŠtait secret. Il restait secret parce que les conspirateurs du DVD disaient que quiconque voulait fabriquer des lecteurs de DVD devait rejoindre la conspiration, promettre de garder le format secret et promettre de concevoir des lecteurs de DVD qui limiteraient les actions des utilisateurs selon certaines règles. Ces règles disaient qu'ils devaient empĂŞcher l'utilisateur de faire ceci, de faire cela, ou encore cela… un ensemble d'exigences prĂŠcises, qui ĂŠtaient toutes malveillantes Ă notre ĂŠgard.
Ăa a marchĂŠ quelque temps, mais ensuite quelques personnes ont dĂŠcouvert le secret et publiĂŠ un logiciel libre capable de dĂŠchiffrer le film du DVD et de le lire. Alors les ĂŠditeurs ont ditâŻ: ÂŤâŻPuisque nous ne pouvons pas les arrĂŞter effectivement, il faut en faire une infraction.âŻÂť Et ils ont commencĂŠ aux Ătats-Unis en 1998 avec la ÂŤâŻloi sur le copyright du millĂŠnaire numĂŠriqueâŻÂť (DMCA) qui imposait une censure sur les logiciels capables de faire ce travail.
Ainsi ce logiciel libre particulier a fait l'objet d'un procès. Sa distribution est interdite aux Ătats-UnisâŻ; les Ătats-Unis pratiquent la censure du logiciel.
Les producteurs de cinĂŠma sont bien conscients qu'ils ne peuvent pas vraiment faire disparaĂŽtre ce programmeâŻ: il est assez facile Ă trouver. Aussi ont-ils conçu un autre système de chiffrement qui, ils l'espèrent, sera plus difficile Ă casser. Il s'appelle AACS ou ÂŤâŻla hacheâŻÂť [the axe].g
La conspiration de l'AACS a ĂŠtabli des règles prĂŠcises pour tous les lecteurs multimĂŠdia. Par exemple, en 2011 il sera interdit de faire des sorties vidĂŠo analogiques. Donc toutes les sorties vidĂŠo devront ĂŞtre numĂŠriques et elles enverront le signal chiffrĂŠ Ă un moniteur conçu spĂŠcialement pour cacher les secrets Ă l'utilisateur. C'est du matĂŠriel malveillant. Ils disent que ceci a pour but de ÂŤâŻfermer le trou analogiqueâŻÂť. Je vais vous montrer deux trous analogiques (Stallman enlève ses lunettes)âŻ: en voici un, et en voici un autre, qu'ils voudraient faire sauter dĂŠfinitivementâŻ[1].
Comment j'ai appris l'existence de ces conspirationsâŻ? Parce qu'elles ne sont pas secrètesâŻ; elles ont des sites web. Le site de l'AACS dĂŠcrit fièrement les contrats que les fabricants doivent signer, voilĂ pourquoi que je suis au courant de cette condition. Le site web cite fièrement les noms des sociĂŠtĂŠs qui ont ĂŠtabli cette conspiration, parmi lesquelles on trouve Microsoft et Apple, et Intel, et Sony, et Disney, et IBM.
Une conspiration de sociĂŠtĂŠs conçue pour restreindre l'accès du public Ă la technologie devrait ĂŞtre poursuivie comme infraction grave, comme une conspiration d'entente sur les prix, en plus graveâŻ; donc les peines de prison devraient ĂŞtre plus longues. Mais ces sociĂŠtĂŠs sont tout Ă fait convaincues que nos gouvernements sont de leur cĂ´tĂŠ, contre nous. Elles n'ont aucune crainte d'ĂŞtre poursuivies pour ces conspirations, c'est pourquoi elles ne se donnent pas la peine de les cacher.
En gĂŠnĂŠral les DRM sont mis en place par une conspiration de sociĂŠtĂŠs. Une fois de temps en temps, une sociĂŠtĂŠ isolĂŠe peut le faire, mais en gĂŠnĂŠral cela demande une conspiration entre les sociĂŠtĂŠs technologiques et les ĂŠditeursâŻ; ainsi [c'est] presque toujours une conspiration.
Ils pensaient que personne ne pourrait jamais casser l'AACS, mais il y a environ trois ans et demie quelqu'un a sorti un programme libre capable de dĂŠchiffrer ce format. Cependant, il ĂŠtait totalement inutile parce que pour le faire tourner on a besoin de connaĂŽtre la clĂŠ.
Et puis, six mois plus tard, j'ai vu la photo de deux chiots adorables, avec 32 chiffres hexadĂŠcimaux au-dessus, et je me suis demandĂŠâŻ: ÂŤâŻPourquoi mettre ces deux choses ensembleâŻ? Je me demande si ces chiffres sont une clĂŠ importante et si quelqu'un pourrait avoir mis ces chiffres avec les chiots, en supputant que les gens copieraient la photo des chiots parce qu'ils sont si mignons. La clĂŠ serait ainsi protĂŠgĂŠe de la disparition.âŻÂť
Et c'ĂŠtait bien ça â c'ĂŠtait la clĂŠ pour casser ÂŤâŻla hacheâŻÂť. Les gens l'ont mise en ligne, et les ĂŠditeurs l'ont supprimĂŠe parce qu'il existe maintenant dans de nombreux pays des lois qui les ont enrĂ´lĂŠs dans la censure de cette information. Elle a ĂŠtĂŠ postĂŠe Ă nouveauâŻ; ils l'ont supprimĂŠeâŻ; finalement ils ont renoncĂŠ, et quinze jours plus tard ce nombre ĂŠtait postĂŠ sur plus de 700 000 sites web.
Un grand dĂŠbordement de dĂŠgoĂťt public envers les DRM. Mais la guerre n'ĂŠtait pas gagnĂŠe, parce que les ĂŠditeurs ont changĂŠ la clĂŠ. Pas seulement çaâŻ: avec le HD DVD, elle ĂŠtait adĂŠquate pour casser le DRM, mais pas avec le Blu-ray. Le Blu-ray a un niveau supplĂŠmentaire de DRM et jusqu'Ă prĂŠsent il n'existe pas de logiciel capable de le casser, ce qui veut dire que vous devez considĂŠrer les disques Blu-ray comme quelque chose d'incompatible avec votre propre libertĂŠ. Ce sont des ennemis avec lesquels il n'y a pas d'accommodation possible, du moins pas Ă notre niveau de connaissance actuel.
N'acceptez jamais aucun produit conçu pour attaquer votre libertĂŠ. Si vous n'avez pas de logiciel libre pour lire un DVD, vous ne devez pas acheter ni louer de DVD, ni en accepter en cadeau, exceptĂŠ quelques rares DVD non chiffrĂŠs. En fait j'en ai quelques-unsâŻ; je n'ai aucun DVD chiffrĂŠ, je ne les accepte pas.
VoilĂ oĂš nous en sommes avec la vidĂŠo, mais on rencontre aussi des DRM dans la musique.
Par exemple, il y a dix ans Ă peu près, on a vu apparaĂŽtre des trucs qui ressemblaient Ă des disques compacts, mais qui n'ĂŠtaient pas gravĂŠs comme des disques compacts. Ils n'ĂŠtaient pas conformes au standard. On les a appelĂŠs ÂŤâŻdisques corrompusâŻÂť. L'idĂŠe ĂŠtait qu'ils soient lisibles par un lecteur audio mais pas par un ordinateur. Ces diffĂŠrentes mĂŠthodes avaient divers problèmes.
Finalement, Sony a trouvÊ une idÊe astucieuse. Ils ont mis un programme sur le disque, de telle sorte que, si vous mettiez le disque dans l'ordinateur, le disque installait le programme. Ce programme Êtait conçu comme un virus pour prendre le contrôle du système. On appelle ça un rootkit, ce qui veut dire qu'il y a des choses dedans qui cassent la sÊcuritÊ du système de sorte qu'il peut installer le logiciel très profondÊment à l'intÊrieur et en modifier diverses parties.
Par exemple, il modifiait la commande utilisĂŠe pour examiner le système afin de voir si le logiciel ĂŠtait prĂŠsentâŻ; une manière de se dĂŠguiser. Il modifiait la commande utilisĂŠe pour supprimer certains de ces fichiers, de sorte qu'elle ne les supprimait pas vraiment. Tout ceci reprĂŠsente une infraction grave, mais ce n'est pas la seule que Sony ait commise. En effet, le logiciel contenait du code libre, qui avait ĂŠtĂŠ distribuĂŠ sous la licence publique gĂŠnĂŠrale GNU (GNU GPL).
Il faut savoir que la GNU GPL est une licence avec copyleft. Cela signifie qu'elle ditâŻ: ÂŤâŻOui, vous pouvez mettre ce code dans d'autres choses, mais quand vous le faites, le programme complet dans lequel vous mettez ces choses doit ĂŞtre distribuĂŠ comme logiciel libre sous la mĂŞme licence. Et vous devez rendre le code source accessible aux utilisateurs. De plus, vous devez leur donner une copie de cette licence en mĂŞme temps que le logiciel, pour les informer de leurs droits.âŻÂť
Sony ne se conformait pas à tout ça. C'est une infraction au copyright à une Êchelle commerciale, donc un dÊlit pÊnal. Les deux infractions sont des dÊlits, mais Sony n'a pas ÊtÊ poursuivie parce que notre gouvernement part de l'idÊe que le gouvernement et la loi ont pour but de conforter le pouvoir que ces sociÊtÊs ont sur nous, mais en aucune façon d'aider à dÊfendre notre libertÊ.
Les gens se sont mis en colère et ont poursuivi Sony. Cependant une erreur a ÊtÊ faite. La condamnation Êtait basÊe, non pas sur l'objectif malfaisant de ce plan, mais seulement sur les malfaisances secondaires des diverses mÊthodes que Sony avait utilisÊes. Donc Sony a rÊglÊ les actions en justice et promis qu'à l'avenir, quand elle attaquera nos libertÊs, elle ne fera pas ces choses secondaires.
En fait, cette combine particulière du disque corrompu n'ĂŠtait pas si grave, parce que si vous n'utilisiez pas Windows elle ne vous affectait pas du tout. MĂŞme si vous utilisiez Windows, il y a une touche sur le clavier â si vous vous rappeliez Ă chaque fois de la garder enfoncĂŠe, alors le disque n'installait pas le logiciel. Mais naturellement c'est difficile de se rappeler cela Ă chaque fois et un jour ou l'autre vous allez oublier. Ăa montre le genre de chose Ă quoi nous avons dĂť faire face.
Heureusement, les DRM reculent dans la musique. Les principales maisons de disques elles-mĂŞmes vendent des tĂŠlĂŠchargements sans DRM. Mais nous assistons Ă un renouveau d'efforts pour imposer les DRM, sur les livres cette fois.
Vous voyez, les ĂŠditeurs veulent priver les lecteurs de leurs libertĂŠs traditionnellesâŻ: la libertĂŠ de faire des choses comme emprunter un livre Ă la bibliothèque ou le prĂŞter Ă un ami, vendre un livre Ă un bouquiniste ou l'acheter anonymement en payant en espèces (ce qui est la seule manière dont j'achète les livres â nous devons rĂŠsister Ă la tentation de renseigner Big Brother sur toutes nos actions).
MĂŞme la libertĂŠ de garder le livre aussi longtemps qu'on veut et de le lire le nombre de fois qu'on veut, ils projettent de nous l'enlever.
Ils font ça avec des DRM. Tant de gens lisent des livres et seraient en colère si on leur enlevait ces libertĂŠs que, le sachant, ils n'ont pas cru pouvoir acheter une loi spĂŠcifique pour abolir ces libertĂŠs â il y aurait eu trop d'opposition. La dĂŠmocratie est malade, mais de temps en temps les gens arrivent Ă exiger quelque chose. Donc ils ont concoctĂŠ un plan en deux ĂŠtapes.
Premièrement, ôter ces libertÊs aux livres Êlectroniques, et deuxièmement, convaincre les gens de passer des livres en papier aux livres Êlectroniques. Ils ont franchi l'Êtape 1.
Aux Ătats-Unis ils y sont parvenus avec la DMCA, et en Nouvelle-ZĂŠlande c'ĂŠtait une partie de la loi de l'annĂŠe dernière sur le copyrightâŻ; la censure des logiciels permettant de casser les DRM en faisait partie. C'est un article injusteâŻ; il faut qu'il soit abrogĂŠ.
La deuxième ĂŠtape est de convaincre les gens de passer des livres imprimĂŠs aux livres ĂŠlectroniquesâŻ; ça n'a pas aussi bien marchĂŠ.
En 2001, un ĂŠditeur a pensĂŠ qu'il rendrait son catalogue de livres ĂŠlectroniques vraiment populaire s'il commençait par ma biographie. Donc il a trouvĂŠ un auteur et l'auteur m'a demandĂŠ si je voulais coopĂŠrer. J'ai ditâŻ: ÂŤâŻSeulement si ce livre ĂŠlectronique est publiĂŠ sans chiffrement, sans DRM.âŻÂť L'ĂŠditeur ne voulait pas en entendre parlerâŻ; j'ai juste tenu bonâŻ; j'ai dit non. Finalement nous avons trouvĂŠ un autre ĂŠditeur qui a consenti Ă le faireâŻ; en fait, il a consenti Ă publier le livre sous une licence libre qui vous donne les quatre libertĂŠs. Le livre a donc ĂŠtĂŠ publiĂŠ, et de nombreux exemplaires imprimĂŠes ont ĂŠtĂŠ vendus.
Quoi qu'il en soit, les livres ĂŠlectroniques ont ĂŠtĂŠ un ĂŠchec au dĂŠbut de la dĂŠcennie. C'est juste que les gens ne tenaient pas Ă les lire. Et je me suis dit qu'ils allaient essayer Ă nouveau. Nous avons vu passer un nombre incroyable d'articles d'actualitĂŠ sur l'encre ĂŠlectronique (ou bien est-ce le papier ĂŠlectronique, je ne me rappelle plus), et l'idĂŠe m'a traversĂŠ l'esprit que probablement c'ĂŠtait parce que beaucoup d'ĂŠditeurs voulaient que nous y pensions. Ils voulaient nous faire dĂŠsirer avec impatience la prochaine gĂŠnĂŠration de livres ĂŠlectroniques.
Maintenant ils nous sont tombĂŠs dessus. Des trucs comme le Sony Shreader (son nom officiel est le Sony Reader, mais si on met ÂŤâŻshâŻÂť devant, cela montre ce qu'il est destinĂŠ Ă faire aux livres) et le Swindle d'Amazon, destinĂŠ Ă vous escroquer vos libertĂŠs traditionnelles sans que vous vous en rendiez compte. Bien sĂťr, ils l'appellent Kindle, ce qui montre ce qu'il va faire Ă vos livres.h
Le Kindle est un produit extrĂŞmement malveillant, presque aussi malveillant que Microsoft Windows. Ils ont tous deux des fonctionnalitĂŠs espionnes, ils ont tous deux la gestion numĂŠrique des restrictions et ils ont tous deux des portes dĂŠrobĂŠes.
Dans le cas du Kindle, le seul moyen d'acheter un livre est de l'acheter chez AmazonâŻ[2], et Amazon exige que vous vous identifiiezâŻ; donc ils savent tout ce que vous avez achetĂŠ.
Et puis il y a la gestion numĂŠrique des restrictionsâŻ; ainsi vous ne pouvez pas prĂŞter le livre ni le vendre Ă un bouquiniste, et la bibliothèque ne peut pas le prĂŞter non plus.
Et puis il y a la porte dĂŠrobĂŠe, dont nous avons appris l'existence il y a trois mois, parce qu'Amazon l'a utilisĂŠe. Amazon a envoyĂŠ une instruction Ă tous les Kindles pour effacer un livre particulier, ÂŤâŻ1984âŻÂť de George Orwell. Oui, ils ne pouvaient pas choisir avec plus d'ironie un livre Ă effacer. Donc c'est comme cela que nous savons qu'Amazon a une porte dĂŠrobĂŠe par laquelle il peut effacer les livres Ă distance.
Ce qu'il peut faire d'autre, qui le sait� Peut-être que c'est comme Microsoft Windows. Peut-être qu'Amazon peut mettre à jour le logiciel. Autrement dit, les choses malveillantes, quelles qu'elles soient, qui ne sont pas encore dedans, ils pourraient les y mettre demain.
C'est intolĂŠrable. N'importe laquelle de ces restrictions est intolĂŠrable. Ils veulent crĂŠer un monde oĂš personne ne prĂŞtera plus jamais de livre Ă quiconque.
Imaginez que vous êtes en visite chez un ami et qu'il n'y a aucun livre sur l'Êtagère. Ce n'est pas que votre ami ne lise pas, mais ses livres sont tous à l'intÊrieur d'un appareil, et naturellement il ne peut pas vous les prêter. La seule manière dont il pourrait vous prêter un de ces livres, c'est de vous prêter toute sa bibliothèque, ce qui est Êvidemment une chose ridicule à demander à quelqu'un. Et tant pis pour l'amitiÊ entre amateurs de livres.
Faites en sorte d'informer les gens de ce que cet appareil implique. Il signifie que les autres lecteurs ne seront plus vos amis, parce que vous vous comporterez envers eux comme un salaud. Faites passer le message de manière prÊventive. Cet appareil est votre ennemi. C'est l'ennemi de tout lecteur. Les gens qui ne comprennent pas ça sont des gens qui pensent à si court terme qu'ils ne s'en aperçoivent pas. C'est votre travail de les aider à voir au-delà de la commoditÊ momentanÊe de cet appareil.
Je n'ai rien contre la distribution de livres sous forme Êlectronique, s'ils ne sont pas conçus pour nous ôter notre libertÊ. En toute rigueur, il est possible de faire une liseuse
- qui ne soit pas conçue pour vous attaquer,
- qui utilise du logiciel libre et non du logiciel privateur,
- qui n'ait pas de DRM,
- qui ne demande pas aux gens de s'identifier pour acheter un livre,
- qui n'ait pas de porte dĂŠrobĂŠe, [et]
- qui ne restreigne pas ce que vous pouvez faire avec les fichiers prĂŠsents sur votre machine.
C'est possible, mais les grandes sociĂŠtĂŠs qui font vraiment la promotion des livres ĂŠlectroniques le font pour attaquer notre libertĂŠâŻ; nous ne devons pas dĂŠfendre cela. C'est ce que font les gouvernements, de mèche avec les grandes entreprises, qui attaquent notre libertĂŠ en rendant le copyright plus dur et plus vicieux, plus restrictif que jamais.
Mais que devraient-ils faire� Les gouvernements devraient rÊduire le pouvoir du copyright. Voici prÊcisÊment ce que je propose.
Il y a d'abord la dimension de la durĂŠe. Je propose que le copyright dure dix ans Ă partir de la date de publication d'une Ĺuvre.
Pourquoi la date de publication� Parce qu'avant cela, il n'y en a pas d'exemplaire. Cela ne nous intÊresse pas de savoir si nous aurions la permission de copier des exemplaires que nous n'avons pas, aussi j'estime qu'on peut très bien laisser aux auteurs tout le temps nÊcessaire pour publier, et à ce moment-là dÊmarrer le chronomètre.
Mais pourquoi dix ansâŻ? Je ne sais pas dans ce pays, mais aux Ătats-Unis le cycle de publication est de plus en plus court. De nos jours, presque tous les livres sont soldĂŠs avant deux ans et sont ĂŠpuisĂŠs avant trois ans. Donc dix ans est plus de trois fois la durĂŠe du cycle de publication habituelâŻ; ça devrait largement suffire.
Mais tout le monde n'est pas d'accord. Une fois, j'ai proposĂŠ ceci dans une dĂŠbat d'experts avec des romanciers et mon voisin, un auteur de romans fantastiques primĂŠs, m'a ditâŻ: ÂŤâŻDix ansâŻ? Pas question. Au-delĂ de cinq ans, c'est intolĂŠrable.âŻÂť Vous voyez, il avait eu un litige avec son ĂŠditeur. Ses livres semblaient ĂŠpuisĂŠs, mais l'ĂŠditeur ne voulait pas l'admettre. Le copyright sur son propre livre, l'ĂŠditeur s'en servait pour l'empĂŞcher d'en distribuer des exemplaires lui-mĂŞme, ce qu'il voulait faire pour que les gens puissent le lire.
C'est le dĂŠsir premier de chaque artiste â le dĂŠsir de distribuer son Ĺuvre de manière qu'elle soit lue et apprĂŠciĂŠe. Très peu gagnent beaucoup d'argent. Cette infime proportion des auteurs court le danger de devenir moralement corrompue, comme J. K. Rowling.
Au Canada, J. K. Rowling a obtenu un rĂŠfĂŠrĂŠ contre des gens qui avaient achetĂŠ son livre dans une librairie, leur ordonnant de ne pas le lire. Aussi, en rĂŠponse, j'appelle Ă un boycott des Harry Potter. Mais je ne dis pas que vous ne devez pas les lireâŻ; je laisse ceci Ă l'auteur et Ă l'ĂŠditeur. Je dis simplement que vous ne devez pas les acheter.
Peu d'auteurs gagnent assez d'argent pour ĂŞtre corrompus Ă ce point-lĂ . La plupart ne gagnent rien de comparable et continuent Ă dĂŠsirer la mĂŞme chose qu'ils ont toujours dĂŠsirĂŠeâŻ: que leur livre soit apprĂŠciĂŠ.
Il voulait distribuer son propre livre, et l'ĂŠditeur l'en empĂŞchait. Il s'est rendu compte qu'au-delĂ de cinq ans le copyright ne lui servirait probablement jamais Ă rien.
Si les gens prĂŠfèrent un copyright de cinq ans, je ne serai pas contre. Je propose dix ans comme première tentative de solution. RĂŠduisons-le Ă dix ans et ensuite faisons le bilan sur une certaine pĂŠriode, et nous pourrons faire des ajustements par la suite. Je ne dis pas que dix ans soit exactement la durĂŠe adĂŠquateâŻ; je ne sais pas.
Qu'en est-il de la dimension de l'ĂŠtendueâŻ? Quelles activitĂŠs le copyright doit-il couvrirâŻ? Je distingue trois catĂŠgories principales d'Ĺuvres.
D'abord il y a les Ĺuvres fonctionnelles qu'on utilise pour effectuer les tâches pratiques de la vie. Elles comprennent le logiciel, les recettes, les manuels d'enseignement, les ouvrages de rĂŠfĂŠrence, les polices de caractère, et d'autres choses qui vous viennent peut-ĂŞtre Ă l'esprit. Ces Ĺuvres doivent ĂŞtre libres.
Si vous vous servez d'un ouvrage publiĂŠ pour faire une tâche de votre vie courante, et que vous ne pouvez pas modifier cet ouvrage pour l'adapter Ă vos besoins, vous ne contrĂ´lez pas votre vie. Une fois que vous avez modifiĂŠ l'ouvrage, vous devez ĂŞtre libre de publier votre version â parce qu'il y aura d'autres personnes qui voudront les mĂŞmes modifications que vous.
On arrive rapidement Ă la conclusion que les utilisateurs doivent avoir [pour toutes les Ĺuvres fonctionnelles] les quatre mĂŞmes libertĂŠs que pour le logiciel. Et vous remarquerez qu'en pratique, pour ce qui est des recettes, les cuisiniers sont en permanence en train de les partager et de les modifier, comme si elles ĂŠtaient libres. Imaginez la rĂŠaction des gens si le gouvernement essayait d'ĂŠradiquer un soi-disant ÂŤâŻpiratage des recettesâŻÂť.
Le terme ÂŤâŻpirateâŻÂť est de la pure propagande. Quand on me demande ce que je pense du piratage de la musique, je disâŻ: ÂŤâŻAutant que je sache, quand des pirates attaquent un navire, ils ne le font pas en jouant mal d'un instrument, ils le font avec des armes. Donc il ne s'agit pas du âpiratageâ de la musique, parce que le piratage est l'attaque des naviresâŻ; le partage avec d'autres est aussi loin que possible d'ĂŞtre l'ĂŠquivalent moral de l'attaque des navires.âŻÂť Attaquer les navires est mal, partager avec les autres est bien, aussi nous devons dĂŠnoncer fermement ce terme de propagande, ÂŤâŻpiratageâŻÂť, toutes les fois que nous l'entendons.
Il y a vingt ans, les gens auraient pu objecterâŻ: ÂŤâŻSi nous ne renonçons pas Ă notre libertĂŠ, si nous ne laissons pas les ĂŠditeurs de ces Ĺuvres nous contrĂ´ler, ces Ĺuvres ne verront pas le jour et ce sera une catastrophe.âŻÂť Maintenant, en regardant la communautĂŠ du logiciel libre, et toutes les recettes qui circulent, et les travaux de rĂŠfĂŠrence comme WikipĂŠdia â nous commençons mĂŞme Ă voir publier des livres de cours libres â nous savons que cette peur est infondĂŠe.
Il n'y a aucune raison de nous dĂŠsespĂŠrer et d'abandonner notre libertĂŠ en pensant qu'autrement ces Ĺuvres ne verraient pas le jour. Si nous en voulons d'autres, il y a une multitude de façons d'encourager leur ĂŠclosion â une multitude de façons qui sont compatibles avec notre libertĂŠ et la respectent. Dans cette catĂŠgorie, elles doivent toutes ĂŞtre libres.
Mais qu'en est-il de la seconde catĂŠgorie, des Ĺuvres qui dĂŠcrivent les rĂŠflexions de certaines personnes, comme les mĂŠmoires, les essais d'opinion, les articles scientifiques et diverses autres chosesâŻ?âŻ[3] Publier une version modifiĂŠe de l'expression de ce que pense quelqu'un d'autre ĂŠquivaut Ă donner une idĂŠe fausse de [cette] personne. Ce n'est pas vraiment une contribution Ă la sociĂŠtĂŠ.
Par consÊquent il est faisable et acceptable d'avoir un système de copyright quelque peu rÊduit oÚ tout usage commercial est couvert par le copyright, oÚ toutes les modifications sont couvertes par le copyright, mais oÚ chacun est libre de redistribuer des copies exactes de manière non commerciale.
[Note de 2015âŻ: les articles scientifiques sont souvent publiĂŠs sous la licence CC attribution (CC-BY), dans des revues accessibles ou sur arXiv.org, et il semble que de permettre la publication de versions modifiĂŠes ne pose pas problème. C'est donc cette licence que je recommande pour ce genre de publication.
Cette libertĂŠ est la libertĂŠ minimum que nous devons instaurer pour toutes les Ĺuvres publiĂŠes, parce que la nĂŠgation de cette libertĂŠ est Ă l'origine de la guerre contre le partage, Ă l'origine de la propagande vicieuse disant que le partage est du vol, que partager ĂŠquivaut Ă ĂŞtre un pirate et Ă attaquer les navires. Des absurditĂŠs, mais des absurditĂŠs soutenues par la masse d'argent qui a corrompu nos gouvernements. Nous devons faire cesser la guerre contre le partageâŻ; nous devons lĂŠgaliser le partage de copies exactes de toute Ĺuvre publiĂŠe.
Pour la seconde catĂŠgorie d'Ĺuvres, c'est tout ce dont nous avons besoinâŻ; nous n'avons pas besoin de les rendre libres. Par consĂŠquent, je pense que c'est OK d'avoir un système de copyright rĂŠduit qui couvre les usages commerciaux et toutes les modifications. Et ceci procurera un revenu rĂŠgulier aux auteurs, plus ou moins de la mĂŞme manière (gĂŠnĂŠralement inadĂŠquate) que le système actuel. Vous devez garder Ă l'esprit [que] le système actuel, exceptĂŠ pour les superstars, est d'habitude totalement inadĂŠquat.
Qu'en est-il des Ĺuvres d'art et de divertissementâŻ? Pour elles, cela m'a pris un moment pour dĂŠcider quoi penser des modifications.
Vous voyez, d'une part une Ĺuvre d'art peut avoir une intĂŠgritĂŠ artistique que la modification peut dĂŠtruire. Naturellement, le copyright n'empĂŞche pas nĂŠcessairement les Ĺuvres d'ĂŞtre massacrĂŠes de cette façon. Hollywood le fait tout le temps. D'autre part, modifier une Ĺuvre peut reprĂŠsenter une contribution Ă l'art. Cela rend possible l'ĂŠvolution du folklore, qui donne des choses riches et magnifiques.
MĂŞme si l'on ne s'occupe que des auteurs de renomâŻ: considĂŠrez Shakespeare, qui a empruntĂŠ des histoires Ă d'autres Ĺuvres, plus anciennes de quelques dizaines d'annĂŠes seulement, et les a arrangĂŠes de manière diffĂŠrente pour produire des Ĺuvres littĂŠraires majeures. Si le copyright moderne avait existĂŠ alors, cela aurait ĂŠtĂŠ interdit et ces pièces n'auraient pas ĂŠtĂŠ ĂŠcrites.
Mais finalement j'ai rĂŠalisĂŠ que, si modifier une Ĺuvre d'art peut ĂŞtre une contribution Ă l'art, il n'y a pas d'urgence absolue dans la plupart des cas. S'il fallait attendre dix ans l'expiration du copyright, on pourrait se permettre d'attendre ce temps-lĂ . Ce n'est pas comme le copyright actuel, qui vous fait attendre 75 ans peut-ĂŞtre, ou bien 95 ans. Au Mexique, on devrait attendre presque 200 ans dans certains cas, car le copyright mexicain expire cent ans après la mort de l'auteur. C'est fou. Mais dix ans, la durĂŠe que j'ai proposĂŠe pour le copyright, les gens peuvent attendre ce temps-lĂ .
Aussi je propose le mĂŞme copyright partiellement rĂŠduit, qui couvre l'usage commercial et les modifications, mais chacun doit ĂŞtre libre de redistribuer des copies exactes de manière non commerciale. Après dix ans l'Ĺuvre tombe dans le domaine public et les gens peuvent apporter leur contribution Ă l'art en publiant leurs versions modifiĂŠes.
Autre choseâŻ: si vous avez l'intention de prendre des petits morceaux d'une multitude d'Ĺuvres pour les rĂŠarranger en quelque chose de totalement diffĂŠrent, cela devrait ĂŞtre lĂŠgal, tout simplement, car l'objectif du copyright est de promouvoir l'art, pas d'y faire obstruction. C'est stupide d'appliquer le copyright Ă l'utilisation de petits bouts comme çaâŻ; cela va Ă l'encontre du but recherchĂŠ. C'est le genre de distorsion Ă laquelle on arrive quand le gouvernement est sous le contrĂ´le des ĂŠditeurs des Ĺuvres Ă succès existantes et a complètement perdu de vue son objectif premier.
VoilĂ donc ce que je propose. Cela veut dire en particulier que le partage de copies sur Internet doit ĂŞtre lĂŠgal. Le partage est bon. Le partage construit le lien social. Attaquer le partage est attaquer la sociĂŠtĂŠ.
Donc chaque fois que le gouvernement propose quelque nouveau moyen d'attaquer les gens qui partagent pour les empĂŞcher de partager, nous devons nous rendre compte que c'est malfaisant, non seulement parce que les moyens proposĂŠs sont une offense aux idĂŠes de base de la justice (mais ce n'est pas une coĂŻncidence), mais parce que le but en est malfaisant. Le partage est bon et le gouvernement devrait encourager le partage.
Cependant le copyright avait quand même un but utile, après tout. Le copyright en tant que moyen pour atteindre ce but pose problème actuellement parce qu'il ne cadre pas avec la technologie que nous utilisons. Il interfère avec toutes les libertÊs essentielles de tout lecteur, auditeur, spectateur, etc., mais la promotion de l'art est toujours un objectif souhaitable. Aussi, en plus du système de copyright partiellement rÊduit, qui continue à être un système de copyright, je propose deux autres mÊthodes.
La première [fonctionne Ă l'aide de] l'argent publicâŻ: distribuer directement la recette d'une taxe aux artistes. L'argent pourrait provenir d'une taxe spĂŠciale, peut-ĂŞtre sur la connexion Internet, ou bien de l'impĂ´t sur le revenu, parce que cela ne fera pas beaucoup au total, pas s'il est distribuĂŠ de manière efficace. Le distribuer de manière Ă soutenir efficacement les arts signifieâŻ: pas en proportion linĂŠaire de la popularitĂŠ. Cela doit ĂŞtre fait sur la base de la popularitĂŠ, parce que nous ne voulons pas que les bureaucrates aient le choix de dĂŠcider quels artistes soutenir et lesquels ignorer. Mais ÂŤâŻsur la base de la popularitĂŠâŻÂť n'implique pas ÂŤâŻen proportion linĂŠaireâŻÂť.
Ce que je propose est de mesurer la popularitĂŠ des divers artistes, ce qui peut se faire Ă l'aide de sondages (par ĂŠchantillons), auxquels personne n'est obligĂŠ de participer, et de prendre la racine cubique. La racine cubique ressemble à çaâŻ: cela veut dire essentiellement que [le paiement marginal] va en diminuant .
Si la superstar A est mille fois plus populaire que l'artiste à succès B, avec ce système A recevra dix fois plus d'argent que B, pas mille fois plus.
La linĂŠaritĂŠ donnerait mille fois plus Ă A qu'Ă B. Autrement dit, si nous voulions que B ait assez pour vivre, nous rendrions A immensĂŠment riche. C'est gâcher l'argent publicâŻ; il ne faut pas le faire.
Mais si le paiement marginal va en diminuant, alors oui, chaque superstar aura largement plus que l'artiste à succès ordinaire, mais le total de toutes les superstars recevra une petite fraction de la somme [globale]. La plus grande partie ira soutenir un grand nombre d'artistes à succès moyen, d'artistes assez apprÊciÊs, d'artistes assez populaires. Ainsi ce système est bien plus efficace que le système existant.
Le système actuel est rĂŠgressif. Il donne en fait beaucoup, beaucoup plus par disque, par exemple, Ă une superstar qu'Ă n'importe qui d'autre. L'argent est extrĂŞmement mal utilisĂŠ. Il en rĂŠsulte qu'en fait nous aurions Ă payer beaucoup moins de cette façon-lĂ . J'espère que c'est suffisant pour amadouer quelques-unes de ces personnes qui ont un rĂŠflexe d'hostilitĂŠ aux taxes â une rĂŠaction que je ne partage pas, parce que je crois dans un Ătat providence.
J'ai une autre suggestion qui est le paiement volontaire. Supposez que chaque lecteur multimĂŠdia ait un bouton sur lequel on pourrait cliquer pour envoyer un dollar Ă l'auteur de l'Ĺuvre qui est en train d'ĂŞtre jouĂŠe, ou de celle qui vient d'ĂŞtre jouĂŠe. L'argent serait envoyĂŠ anonymement Ă ces artistes. Je pense que beaucoup de gens cliqueraient sur ce bouton assez souvent.
Par exemple, nous pouvons tous nous permettre de cliquer sur ce bouton une fois par jour, cet argent ne nous manquerait pas. Ce n'est pas beaucoup d'argent pour nous, j'en suis à peu près sÝr. Naturellement, il y a des gens pauvres qui ne pourraient jamais se permettre de cliquer, et c'est OK s'ils ne le font pas. Nous n'avons pas besoin de soutirer de l'argent aux gens pauvres pour soutenir les artistes. Il y a assez de gens qui ne sont pas pauvres pour qu'on y arrive très bien. Vous êtes conscients, j'en suis sÝr, qu'un grand nombre de gens aiment vraiment certains arts et sont vraiment heureux de soutenir les artistes.
Je viens d'avoir une idĂŠe. Le lecteur pourrait aussi vous donner un certificat comme quoi vous avez soutenu tel ou tel, et il pourrait mĂŞme compter le nombre de fois que vous l'avez fait et vous donner un certificat qui diraitâŻ: ÂŤâŻJ'ai envoyĂŠ tant Ă ces artistes.âŻÂť Il y a diverses façons d'encourager les gens qui veulent le faire.
Par exemple, on pourrait avoir une campagne de relations publiques amicale et gentilleâŻ: ÂŤâŻAvez-vous envoyĂŠ un dollar Ă un artiste aujourd'huiâŻ? Pourquoi pasâŻ? C'est seulement un dollarâŻ; cela ne vous privera pas. N'aimez-vous pas ce qu'ils fontâŻ? CliquezâŻ!âŻÂť Cela donnera aux gens bonne conscience, et ils penserontâŻ: ÂŤâŻOui, j'ai aimĂŠ ce que je viens de regarder. Je vais envoyer un dollar.âŻÂť
Cela commence dĂŠjĂ Ă fonctionner jusqu'Ă un certain point. Il y a une chanteuse canadienne qui s'appelait Ă l'ĂŠpoque Jane Siberry. Elle a mis sa musique sur son site web et a invitĂŠ les gens Ă la tĂŠlĂŠcharger et Ă payer le montant qu'ils voulaient. Elle a indiquĂŠ qu'elle recevait en moyenne plus d'un dollar par copie, ce qui est intĂŠressant parce que les majors demandent juste un peu moins d'un dollar par copie. En laissant les gens dĂŠcider de payer ou non, et combien, elle a obtenu plusâŻ; elle a mĂŞme obtenu encore plus par visiteur qui avait effectivement tĂŠlĂŠchargĂŠ quelque chose. Mais cela ne prend mĂŞme pas en compte un ĂŠventuel effet positif sur le nombre de visiteurs, ce qui augmenterait le nombre total par quoi est multipliĂŠ la moyenne.
Donc cela peut marcher, mais c'est galère dans les circonstances actuelles. On doit avoir une carte de crĂŠdit pour le faire, ce qui veut dire qu'on ne peut pas le faire anonymement. Et il faut chercher partout l'endroit oĂš payerâŻ; et pour les petites sommes, les systèmes de paiement ne sont pas très efficaces, ce qui fait que les artistes n'en reçoivent que la moitiĂŠ. Si nous mettions en place un système adaptĂŠ, cela marcherait beaucoup, beaucoup mieux.
VoilĂ donc mes deux suggestions.
Et dans mecenatglobal.org, vous trouverez un autre plan qui combine certains aspects de ces deux-lĂ . Il a ĂŠtĂŠ inventĂŠ par Francis Muguet et conçu pour mieux s'intĂŠgrer dans le système juridique existant pour faciliter sa mise en Ĺuvre.
MĂŠfiez-vous des suggestions qui proposent de ÂŤâŻdonner des compensations aux ayants droitâŻÂť parce que, quand elles disent ÂŤâŻdonner des compensationsâŻÂť, elles tendent Ă prĂŠsumer que, si vous avez apprĂŠciĂŠ une Ĺuvre, vous avez une dette spĂŠcifique Ă l'ĂŠgard de quelqu'un et que vous devez ÂŤâŻdonner des compensationsâŻÂť Ă ce quelqu'un. Quand elles disent ÂŤâŻayants droitâŻÂť vous ĂŞtes censĂŠs penser que c'est pour soutenir les artistes alors qu'en fait cela va aux ĂŠditeurs â ces mĂŞmes ĂŠditeurs qui exploitent Ă peu près tous les artistes (exceptĂŠ le petit nombre dont vous avez tous entendu parler, qui sont assez populaires pour avoir du poids).
Nous n'avons pas de dette envers euxâŻ; il n'y a personne Ă qui nous devions ÂŤâŻdonner des compensationsâŻÂť. Mais soutenir les arts reste une chose utile. C'ĂŠtait la raison d'ĂŞtre du copyright par le passĂŠ, Ă l'ĂŠpoque oĂš le copyright ĂŠtait adaptĂŠ Ă la technologie. Aujourd'hui le copyright est un mauvais moyen de le faire, mais cela reste bien de le faire par d'autres moyens qui respectent notre libertĂŠ.
Exigez qu'ils changent les deux parties malfaisantes de la loi nĂŠo-zĂŠlandaise sur le copyright. Ils ne doivent pas rĂŠactiver la rĂŠponse graduĂŠeâŻ[4], parce que le partage est bon, et ils doivent se dĂŠbarrasser de la censure des logiciels qui cassent les DRM. MĂŠfiez-vous de l'ACTAâŻ; ils sont en train de nĂŠgocier un traitĂŠ entre diffĂŠrents pays, pour que tous ces pays attaquent leurs citoyens. Nous ne savons pas comment parce qu'ils ne nous le diront pas.
Notes
- ↑ En 2010, le système de chiffrement du flux vidĂŠo a ĂŠtĂŠ dĂŠfinitivement cassĂŠ.
- ↑ C'ĂŠtait vrai Ă l'ĂŠpoque. En 2018, il est possible de charger des livres venant d'ailleurs dans la liseuseâŻ; cependant cette dernière transmet le nom du livre que vous ĂŞtes en train de lire aux serveurs d'AmazonâŻ; ainsi, Amazon a connaissance de chacun des livres qui sont lus sur l'appareil, d'oĂš qu'il provienne.
- ↑ 2015âŻ: j'avais inclus les articles scientifiques parce que je pensais que publier des versions modifiĂŠes d'un article de quelqu'un d'autre serait dommageableâŻ; cependant, la publication d'articles de math ou de physique sous la licence Creative Commons attribution sur arXiv.org ou dans de nombreuses revues libres ne semble pas poser problème. Ainsi j'ai conclu par la suite que les articles scientifiques devaient ĂŞtre libres.
- ↑
La Nouvelle-ZÊlande a mis dans la loi un système de punition sans procès
pour les utilisateurs d'Internet accusĂŠs de copierâŻ; puis devant les
protestations du public, le gouvernement ne l'a pas mis en Ĺuvre et a
annoncÊ son intention de le remplacer par un système de punition modifiÊ,
mais toujours injuste. Ce qui compte ici, c'est qu'il ne faut pas procĂŠder Ă
un remplacement mais plutôt Êviter d'avoir ce genre de système. Toutefois,
la formulation que j'ai employĂŠe ne l'exprime pas clairement.
Plus tard, le gouvernement nÊo-zÊlandais a mis en place ce système de punition plus ou moins comme prÊvu à l'origine.
Inscrivez-vous Ă notre liste de diffusion (en anglais) concernant les dangers des livres ĂŠlectroniques.